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Canadiens-Nordiques, une rivalité qui dépassait le sport

logo de Le Devoir Le Devoir 2022-11-29 Étienne Paré
Une scène tirée de l’épisode 6 de la série «Canadiens Nordiques. La rivalité» © Vrai Une scène tirée de l’épisode 6 de la série «Canadiens Nordiques. La rivalité»

Réjean Tremblay et la plateforme de Québecor Vrai flattent la fibre nostalgique des amateurs de hockey avec une nouvelle série documentaire sur la grande époque de la rivalité entre les Canadiens et les Nordiques. Une période d’affirmation nationale qui a entre autres été marquée par l’émergence du Québec inc., ne manque pas de souligner à gros traits l’auteur de Lance et compte. De quoi nourrir l’espoir chez les partisans des Nordiques, dont le grand retour se fait toujours attendre, sept ans après l’inauguration d’un amphithéâtre dans la capitale nationale.

Canadiens Nordiques. La rivalité est avant tout une série sur le hockey qui réunit tous les grands acteurs de cette époque bénie où Québec avait un club de hockey et où Montréal était encore en mesure de gagner la coupe Stanley. Tour à tour, Michel Bergeron, Jean Perron, Serge Savard et des dizaines d’autres intervenants ressassent leurs souvenirs au sujet de l’affaire Lindros, du but d’Alain Côté ou encore de la bataille du Vendredi saint. On peut même entendre Guy Lafleur et le réalisateur Jean-Claude Lord, qui étaient toujours en vie au moment des tournages, s’épancher sur la manière dont ils ont vécu le vif ressentiment entre les deux équipes.

Sous l’impulsion du toujours très indépendantiste Réjean Tremblay, qui a piloté le projet avec le journaliste de La Presse Mathias Brunet, la série dépasse largement le cadre du sport. La rivalité entre les Canadiens et les Nordiques, c’était aussi celles entre Montréal et les régions, entre les bleus et les rouges, entre les souverainistes et les fédéralistes.

« Ça a été l’âge d’or du Québec. […] Un Québec qui était capable de rivaliser avec l’establishment anglophone [qui était incarné par le Canadien]. C’est l’époque où Alain Bouchard a lancé Couche-Tard, où Guy Laliberté a démarré le Cirque du Soleil, où Serge Godin a créé CGI. Ce sont aussi les débuts de Céline et René… Ce que je veux dire, c’est que la rivalité entre le Canadien et les Nordiques a accompagné les grands changements de cette époque », a expliqué Réjean Tremblay lors du visionnement de presse, lundi.

Une rivalité politique

Après l’arrivée des Nordiques dans la Ligue nationale, en 1979, le Canadien a rapidement compris que l’équipe de Québec, qui arborait fièrement la fleur de lys, pouvait lui damer le pion et devenir l’équipe des francophones. Par peur d’être perçu comme le club de l’élite WASP, le CH embauchera Ronald Corey et Serge Savard pour remplacer une haute direction qui était alors complètement anglophone, relate-t-on dans le premier épisode de cette série qui en compte huit.

Dans la métropole comme dans la capitale, les dirigeants mettront les joueurs francophones en avant pour ravir le coeur des Québécois vivant en région. Les brasseurs O’Keefe et Molson, respectivement propriétaires des Nordiques et des Canadiens, se livreront une bataille sans merci sur les étagères pour tenter d’influencer les partisans.

Mais depuis la disparition des Nordiques, dans les années 1990, la Sainte-Flanelle exerce un monopole sur le Québec et a fini par prendre pour acquis les francophones, dénonce sans détour Réjean Tremblay. « Le départ des Nordiques a permis aux Canadiens d’être médiocres. Le marché du Québec leur appartient, qu’ils soient bons ou pas bons, gentils ou méchants. Ils n’ont plus besoin de joueurs francophones. Ils en veulent le moins possible pour mieux contrôler le message, pour que les joueurs n’aillent pas parler aux journalistes », déplore le chroniqueur du Journal de Montréal.

À 78 ans, il n’a rien perdu de son franc-parler ni de sa passion. Il travaille d’ailleurs présentement sur un nouveau projet de série télé, Le septième, campé au septième étage du Centre Bell, là où se trouvent les bureaux des grands patrons de l’organisation du Tricolore.

Toujours fervent des Nordiques, Réjean Tremblay croit encore en leur grand retour, mais il précise que « si ça arrive, ça va être de manière inattendue, comme ça a été le cas avec les Jets, à Winnipeg ».

À quand le retour ?

Aussi présent lors du visionnement de presse lundi, le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, a réitéré sa volonté de ramener les Nordiques à Québec, mais affichait un optimisme prudent : « On est une entreprise solide, un radiodiffuseur qui est en mesure d’attirer des revenus. Il y a une base de hockey solide à Québec. Tous les ingrédients sont là [….] Je ne sais pas ce qu’on peut faire de plus. »

Pierre Karl Péladeau évite d’imputer la lenteur des négociations aux propriétaires du Canadien et aux dirigeants de la Ligue nationale de hockey. Mais Réjean Tremblay n’est pas aussi diplomate. « Penses-tu que la famille Molson et tous les anglos ont intérêt à s’asseoir à la même table que l’ancien chef du PQ ? » déclare avec ironie l’auteur de Scoop et des Jeunes loups.

 

Si par hasard les Nordiques finissaient par revenir, Réjean Tremblay est convaincu que la rivalité reprendrait de plus belle avec les Canadiens. Le journaliste sportif est même d’avis qu’elle serait peut-être encore plus acrimonieuse que celle décrite dans la série, tellement le fossé entre Montréal et le reste du Québec s’est creusé dans les dernières années. « Le Québec est en train de perdre Montréal. Ça va nous prendre un autre point d’ancrage. Quand je vais voir mes chums à Chicoutimi, ils me disent qu’ils ne veulent rien savoir d’aller à Montréal. Ils me disent qu’ils ne se sentent plus chez eux », souligne-t-il avec son accent saguenéen toujours bien trempé.

Ce fervent souverainiste croit surtout que le retour des Nordiques corrigerait une erreur historique. Pour Réjean Tremblay, le déménagement de l’équipe au Colorado, cinq mois avant le deuxième référendum, en 1995, a sans doute fait perdre de précieux votes au camp du Oui dans la grande région de Québec, où l’appui à la souveraineté s’est révélé moins élevé que dans les autres régions francophones. Il regrette que le maire Jean-Paul L’Allier et le premier ministre Jacques Parizeau n’aient pas su saisir l’importance de l’enjeu en laissant partir les Nordiques.

« Ça envoyait le message que si tu n’es pas capable de garder ton club de hockey, tu n’es pas capable d’être une nation », conclut celui pour qui le hockey est intrinsèquement politique.

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