Inceste : voici ce que recommande la commission indépendante pour protéger les enfants
Installée par le gouvernement pour deux ans, en mars 2021, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants vient de rendre ses conclusions intermédiaires ce jeudi 31 mars 2022. Le point sur quelques préconisations emblématiques.
Elle a reçu plus de 10 000 témoignages. Après un an de travail, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a rendu, ce jeudi 31 mars 2022, ses conclusions intermédiaires.
En tout, vingt premières préconisations, publiées sur son site Internet, ciblant le repérage systématique des enfants victimes, prônant « une attitude volontariste » de la part de tous les professionnels en lien avec eux, mais aussi le traitement judiciaire, la réparation ainsi que la prévention des violences sexuelles.
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« Il faut que tout professionnel soit dans l’obligation de signalement »
La Commission recommande ainsi la création d’une cellule de conseil et de soutien pour tous les professionnels se retrouvant « dans une situation anxiogène » lorsqu’ils repèrent ou reçoivent des révélations de la part d’enfants victimes de violences sexuelles. Elle propose plus particulièrement de clarifier l’obligation de signalement des médecins, ces « professionnels de premiers recours ».
« Les textes ne sont pas clairs, explique le juge Édouard Durand, coprésident de la Ciivise, Il est possible pour un médecin de ne pas faire un signalement et ça le met dans une situation d’incertitude. Nous disons : l’impératif, c’est la protection . La contrepartie, c’est de dire que le médecin doit être protégé de toutes poursuites disciplinaires. Nous savons qu’il y a des médecins qui ont été suspendus parce qu’ils ont fait un signalement. »
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« La victime est une partie à part entière du procès pénal »
La Ciivise préconise, également, de permettre aux victimes de « faire appel de la décision sur la culpabilité ou la non-culpabilité, détaille Édouard Durand, Elle est la première concernée. Cette place doit lui être reconnue. » Pour l’instant, précise-t-il, celle-ci ne peut le faire que sur les « aspects indemnitaires, d’argent ».
Sur la question de l’indemnisation d’ailleurs, à la fois « symbolique » et « très concrète, réelle, financière », la Commission propose notamment qu’elle se fasse sous la forme de provision pendant la minorité de la victime, avec réévaluation à l’âge adulte.
En ce qui concerne la santé, « si on veut que l’enfant puisse vivre sa vie d’enfant, jouer, dormir, alors il faut qu’il bénéficie de soins spécialisés en psychotrauma », affirme Édouard Durand.
Pour « sensibiliser la société tout entière », la Ciivise préconise également d’organiser une campagne de prévention nationale accessible à tous, « durable, répétée, avec un message clair » Édouard Durand compte : « La dernière a eu lieu en 2002, il y a vingt ans. »
Questions de moyens
« Si la Ciivise formule ces vingt préconisations, c’est qu’elles sont réalisables et qu’elles vont créer une meilleure protection pour les enfants », souligne Édouard Durand. Beaucoup nécessitent des moyens financiers et humains.
Mais ceux-ci « seront toujours moins coûteux que l’inaction, assure le juge, le coût des violences sexuelles est considérable. »
Il conclut : « La protection, ce n’est pas d’abord une question de moyens. C’est une question de volonté, de perception, de représentation de la violence et de la protection. Lorsque nous disons : il faut que le retrait d’autorité parentale soit automatique quand un parent est déclaré coupable d’inceste, ça coûte zéro centime. »