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Korian, KPMG, Danone : "société à mission", le risque du coup de com'

logo de Challenges Challenges 05/05/2023 Isabelle de Foucaud
Ehpad © Korian/Guillaume Leblanc Ehpad

Comme Korian qui va devenir une société à mission, ce statut créé par la loi Pacte en 2019 a déjà séduit plus de 1.000 entreprises. Au risque d'attirer des brebis galeuses en quête d'un coup de com' pour redorer leur image.

Formation interne diplômante, fonds de solidarité pour les salariés en difficulté, meilleur suivi de la satisfaction des résidents, trajectoire bas-carbone… Le leader européen des maisons de retraite Korian a dévoilé, le 25 avril, son plan d’action pour finaliser sa transformation en entreprise à mission. Dix premiers chantiers seront lancés le 1er juillet prochain, après l’assemblée générale du 15 juin, a précisé le groupe qui, au passage, changera de nom pour s’appeler Clariane. Une façon de tourner la page après la crise du Covid-19 et les répercussions du scandale des Ehpad provoqué par la sortie du livre Les Fossoyeurs sur les dérives de son concurrent Orpea.

"A travers les initiatives que nous allons déployer, nous voulons œuvrer de façon concrète à renforcer la qualité du lien entre soignant et patient et nous engager pour la santé de nos collaborateurs, pour leur promotion par la formation ainsi que pour le renforcement de notre ancrage territorial", a déclaré Sophie Boissard, directrice générale du groupe qui est par ailleurs confronté à des difficultés majeures de recrutement et cherche à rendre ses métiers plus attractifs.

Le cap des 1.000 sociétés à mission franchi

Korian va ainsi grossir le bataillon d’entreprises qui se sont transformées en société à mission depuis que ce statut a été introduit par la loi Pacte en 2019. Au total, selon le baromètre de l’Observatoire des sociétés à mission publié fin mars, 1.008 groupes de tous secteurs avaient rejoint ce mouvement fin 2022. Depuis les pionniers comme la Maif, Danone ou Groupe Rocher (Yves Rocher, Petit Bateau), jusqu’aux plus récents aficionados KPMG, Doctolib, Back Market, Babilou ou la Banque postale. Leur nombre a quintuplé en deux ans et quasi doublé en un an. "La dynamique s’amplifie et, comme on l’a vu dans l’immobilier ou l’agroalimentaire, lorsqu’un acteur d’un secteur franchit le pas, ses concurrents suivent", observe Errol Cohen, avocat au cabinet Le Play, spécialisé gouvernance des entreprises.

Une étape symbolique vient d’être franchie trois ans et demi après la loi PACTE, avec 1.008 recensées fin 2022. Crédit : L\'Observatoire des sociétés à mission © Fournis par Challenges Une étape symbolique vient d’être franchie trois ans et demi après la loi PACTE, avec 1.008 recensées fin 2022. Crédit : L\'Observatoire des sociétés à mission

Source : Observatoire des sociétés à mission

En France, le concept trouve ses fondements dans les travaux menés par les chercheurs de Mines Paris, Blanche Segrestin et Armand Hatchuel, au lendemain de la crise financière de 2008. "Cet électrochoc a fait comprendre aux entreprises qu’elles ne pouvaient plus tout sacrifier sur l’autel de la course aux profits et que leur activité devait contribuer à l’intérêt collectif", explique Emery Jacquillat, président du groupe Camif et de la Communauté des Entreprises à mission. De plus, les normes ESG (pour Environnementaux, sociaux et de gouvernance), très en vogue après la crise, ont montré leurs limites. Les analystes de la finance durable n’ont pas détecté les pratiques frauduleuses de l’ancienne direction d’Orpea, un groupe pourtant très bien classé sur ces fameux critères par l’agence de notation extra-financière Vigeo.

>> Voici comment devenir une entreprise à mission

Danone épinglé sur deux objectifs

Alors que les entreprises misent sur le statut de société à mission pour attirer des talents, séduire des investisseurs ou redorer leur image après un scandale, le risque de "mission washing" ou "purpose washing" pourrait fragiliser ce modèle encore jeune. L’an dernier, le géant des cosmétiques Yves Rocher a suscité l’embarras, en évoquant son statut d’entreprise à mission pour justifier sa décision de rester en Russie, son deuxième marché, malgré la guerre en Ukraine. "On ne peut pas exclure que des brebis galeuses adoptent ce statut pour des raisons marketing, en affichant des engagements peu ambitieux, déjà atteints ou, à l’inverse, irréalisables", reconnaît Errol Cohen. Mais selon lui, le dispositif prévoyant un double contrôle des missions, par un comité de suivi en interne et un organisme tiers indépendant, est "un cadre suffisamment exigeant et contraignant".

"Ces vérifications mettent sous tension les entreprises, qui se font retoquer si elles ne sont pas au rendez-vous", ajoute Emery Jacquillat. Chez Danone, par exemple, l’évaluation externe menée par le cabinet PwC en 2022 a relevé que deux objectifs inscrits dans les statuts du groupe pour 2021 - la teneur en sucres des produits et le niveau d’engagement des salariés - n’avaient pas été atteints ou mesurables. Les éventuels tricheurs jouent gros : "Non seulement ils peuvent se faire retirer leur qualité de société à mission, mais ils s’exposent aussi à la colère de leurs salariés et de leurs clients qui savent reconnaître le ‘greenwashing’."

A l’inverse, se doter d’une raison d’être exigeante -et la respecter- peut s’avérer payant. "Certes, la démarche suppose des arbitrages, parfois de renoncer à certains produits ou marchés", estime Grégoire Cousté, délégué général du Forum pour l’investissement responsable. "Mais les entreprises les plus alignées avec leurs engagements sociaux et environnementaux sont aussi les plus rentables sur le long terme."

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