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Semaine de quatre jours: l'entreprise d'informatique LDLC montre la voie

logo de Challenges Challenges 19/03/2023 Florian Fayolle
Nicolas Blanc, vendeur dans un magasin LDLC de Lyon © Photos : Martin Barzilai pour Challenges Nicolas Blanc, vendeur dans un magasin LDLC de Lyon

En adoptant les 32 heures de travail par semaine, l'entreprise d'informatique LDLC assure avoir réduit l'absentéisme et dopé sa productivité. Une expérience réussie scrutée de près par les experts du social, qui pourrait faire des émules ailleurs.

Ne comptez pas sur Laurent de la Clergerie pour vous répondre un mardi: le président du directoire de LDLC, florissante société de matériels informatiques fondée en 1996, ne travaille pas. Comme l'ensemble de ses 1.000 salariés, il prend un jour off par semaine. Depuis 2020, l'entreprise, dont le siège est à Limonest, dans la banlieue lyonnaise, est entrée dans le club très fermé des sociétés qui ont mis en place la semaine de quatre jours, comme Welcome to the Jungle, Accenture ou encore Mozoo.

Même s'il reste à contre-courant du "travailler plus" porté par la majorité présidentielle ou le Medef, le concept commence à essaimer en France. "Pour notre entreprise, il s'agit d'un véritable changement de posture, claironne le fondateur de la société d'informatique. C'est l'aboutissement d'une réflexion sur le bien-être au travail."

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Microsoft comme modèle

La CGT en a rêvé, LDLC l'a fait. Concrètement, le passage de cinq à quatre jours de travail hebdomadaire augmente la durée de la journée de 7 à 8 heures. Soit 32 heures par semaine - une vieille revendication du syndicat de Montreuil et de la gauche française. Mais qu'on ne s'y trompe pas, le patron de la société lyonnaise ne compte pas porter le sujet politiquement. Il est même très critique sur la réduction du temps de travail de 1999. "Les 35 heures ont été une bêtise, estime-t-il. La vraie différence, c'est que notre réduction du temps de travail, je l'ai choisie."

L'idée a germé pendant le premier confinement de mars 2020. C'est en lisant des articles racontant l'expérience de Microsoft au Japon, qui a testé la semaine de quatre jours, qu'il a été convaincu. "En offrant le vendredi à ses salariés, Microsoft s'est aperçu que la productivité avait bondi de 40%, détaille-t-il. Ça m'a vraiment interpellé." Dans son coin, Laurent de la Clergerie élabore alors pendant des mois un plan avant de le dévoiler en juin 2020, à la surprise de tous dans l'entreprise.

"On n'a même pas eu à négocier, s'amuse encore Myriam Letondot, la déléguée syndicale CGT. Tout était déjà décidé. On a été médusés et très agréablement surpris."

Une organisation stricte

Mais le changement ne s'est pas fait en un claquement de doigts. Il a fallu convaincre le top management et les managers pris de court par l'annonce. "Certains ont eu peur de ne pas arriver à boucler les dossiers en temps et en heure, poursuit le patron de LDLC. D'autres voyaient mal comment organiser les plannings."

Pour rassurer, une organisation stricte a été déployée afin de ne pas déséquilibrer les équipes dans les magasins, les entrepôts et les bureaux. Pas évident tant les rythmes de travail sont différents. Mais la solution a été trouvée: les salariés s'associent en binôme, chacun prenant un jour off différent. Ce qui permet d'avoir toujours quelqu'un pour traiter une urgence. Enfin, le télétravail a été limité à une journée par semaine pour maintenir la cohésion des équipes avec des réunions sur site.

Trois infos sur LDLC

> 700 millions d'euros de chiffre d'affaires pour l'exercice 2021-2022.

> Plus de 1.000 salariés.

> 80 boutiques en France.

Source: Société.

Compliqué pour les managers

Côté salariés, la mise en place de la semaine de quatre jours a été une vraie avancée sociale. "A part deux ou trois salariés, personne n'a envie de revenir en arrière, estime la syndicaliste Myriam Letondot. C'est un vrai gain de pouvoir d'achat. On consomme moins d'essence dans les trajets et ceux qui ont des enfants dépensent moins en nounous."

D'autres, comme Nicolas Blanc, vendeur dans un magasin lyonnais, apprécie de passer plus de temps en famille et de plus s'occuper de son enfant. Il constate aussi être plus efficace au travail car "plus en forme et plus motivé". Quant à Margaux Malatray, responsable du service BtoB (business to business), elle profite de ses vendredis pour aller chez le médecin, faire ses courses ou sa déclaration d'impôt… Bref, boucler toutes les impératifs du quotidien avant de "profiter à fond de son week-end".

© Fournis par Challenges

Margaux Malatray, responsable du service BtoB. Crédit: Martin Barzilai pour Challenges

Le tableau est un peu moins idyllique pour les managers: "Pour eux, c'est plus compliqué car ils doivent boucler leurs dossiers en quatre jours au lieu de cinq. Beaucoup travaillent pendant leur jour off", estime un ancien salarié.

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Coût nul pour l'entreprise

Mais Laurent de la Clergerie n'en démord pas: "Ça a marché du jour au lendemain. Plus reposés, les collaborateurs travaillent plus efficacement." En effet, d'après lui, l'absentéisme a été divisé par deux, le turn-over par quatre et la productivité a grimpé de 40%. Quant au chiffre d'affaires, il a dépassé les 700 millions d'euros en 2022, une progression due, avant tout, au boom de la demande en matériel informatique à la suite de la généralisation du télétravail pendant la pandémie de Covid. La conséquence, c'est que le passage à la semaine de quatre jours n'a officiellement rien coûté à l'entreprise informatique. "Nous avions estimé le coût à environ 1 million d'euros, notamment pour augmenter les effectifs, raconte Laurent de la Clergerie. Mais on n'a eu besoin d'embaucher que 30 personnes supplémentaires."

« Nous avions estimé le coût à environ 1 million d\'euros. Mais on n\'a eu besoin d\'embaucher que 30 personnes en plus. » Laurent de la Clergerie, président du directoire. Crédit : Photos : Martin Barzilai pour Challenges © Fournis par Challenges « Nous avions estimé le coût à environ 1 million d\'euros. Mais on n\'a eu besoin d\'embaucher que 30 personnes en plus. » Laurent de la Clergerie, président du directoire. Crédit : Photos : Martin Barzilai pour Challenges

Laurent de la Clergerie, président du directoire de LDLC. Crédit: Martin Barzilai pour Challenges

L'expérience LDLC commence à être remarquée dans le monde académique. Chercheuse en management à l'EMlyon, Marie Rachel Jacob est convaincue par la bascule: "La semaine de quatre jours ne peut se mettre en place que si une réflexion plus globale sur la qualité de vie au travail est menée en amont, affirme-t-elle. LDLC a su relever le défi avec des résultats économiques et sociaux très encourageants."

Fier de son succès, Laurent de la Clergerie passe de plus en plus de temps pour évangéliser d'autres chefs d'entreprise. Il en est convaincu, la semaine de quatre jours, librement consentie, va se généraliser.

A l'Urssaf, l'expérimentation fait un flop

Qui l'aurait cru? Le gouvernement veut tester la semaine de quatre jours, pendant un an, auprès des agents Urssaf de Picardie. L'idée: permettre aux volontaires de travailler 36 heures sur quatre jours au lieu de cinq. "Beaucoup de Français aspirent à travailler différemment, à trouver de la reconnaissance, mais aussi du sens et de la liberté d'organisation au travail", a déclaré à L'Opinion Gabriel Attal, chargé des Comptes publics.

Cette déclaration peut surprendre tant l'exécutif prône un allongement du temps de travail via sa réforme des retraites. En réalité, il s'agit de riposter au conflit sur les retraites en portant le sujet de la qualité de vie au travail. Sauf qu'à l'Urssaf Picardie, l'initiative a fait un flop: seulement 3 agents sur 200 ont voulu expérimenter la nouvelle organisation. Car celle-ci ne prévoit pas de baisse du temps de travail mais une concentration sur 4 jours (en passant de 7h20 à 9h par jour). Ce qui a dissuadé la plupart des agents qui ont des enfants en bas âge à déposer ou à récupérer à l'école.

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