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À la rencontre des hommes qui paient très cher pour se faire casser la mâchoire au nom de la “virilité”

logo de GQ GQ 20/03/2023 Will Coldwell

Tout ce que je peux vous dire sur Ali, c’est que c’est un jeune homme qui a la vingtaine et qui vit en Europe de l’Ouest. Ali se balade dans les rues de Rome, il flâne, il tue le temps. La dernière fois qu’il est venu ici, Ali en a profité pour faire un peu de tourisme : visite du Vatican, promenade au Colisée. Mais aujourd’hui, il est trop stressé pour penser gladiateurs et crucifixion. N’importe qui serait stressé, à la veille de payer quelqu’un 20 000 euros pour se faire casser la mâchoire. Jusqu’à demain, Ali doit trouver de quoi s’occuper. C’est pour ça qu’il accepte de me parler. Il doit se sentir seul, loin de chez lui, en route vers une anesthésie générale. On est en appel vidéo, mais sa caméra est désactivée, si bien que je ne vois pas son visage. Je suppose qu’il n’est pas prêt à se montrer. D’autant qu’il en est encore à la phase “avant” de l’aventure. Avec un peu de chance, demain, il sortira du bloc transfiguré. Il sera un homme à forte mâchoire. 

En termes médicaux, la procédure qu’Ali s’apprête à subir consiste en une ostéotomie bilatérale de séparation sagittale, une ostéotomie de Le Fort 1 et une génioplastie. D’abord, les chirurgiens vont séparer sa mâchoire inférieure de sa mâchoire supérieure et de son menton. Ensuite, ils vont en ressouder les os de façon à redessiner sa mâchoire vers l’avant. Ali (son prénom a été modifié) attend ce moment depuis 2020. En pleine pandémie, il se met à contacter des chirurgiens esthétiques. En réalité, l’idée lui trotte dans la tête depuis l’adolescence. Ali se sent alors lésé vis-à-vis de ses amis “plus beaux”. Selon lui, ils n’ont aucun mal à avoir des petites amies, tandis que lui galère. Il ne se trouve pas laid, mais les garçons qui gravitent autour de lui semblent dégager une tout autre énergie. Certains de ses amis sont même repérés pour être mannequins. 

Écœuré, Ali observe la loterie génétique faire cruellement son œuvre. Les rencontres virtuelles et leurs froides statistiques achèvent de muer ce sentiment en chiffres. Ali se perçoit comme un penseur profond, un gars “philosophique”. À l’adolescence, il est intelligent et un peu paresseux, mais doté d’une bonne mémoire et d’une sensibilité au détail, qui le conforte dans sa vocation d’ingénieur. Sur le plan professionnel, cet atout s’avère crucial pour le dessin technique. Sur le plan personnel, c’est un laser qui ausculte dans le miroir les moindres recoins de son visage. En 2019, Ali se met à traîner sur Looksmax.org, un forum en ligne dédié aux hommes qui s’efforcent d’atteindre leur “potentiel esthétique”. 

Looksmaxing n’est que l’une des nombreuses facettes de la manosphère, ce marécage de communautés virtuelles qui offrent un puissant cocktail de masculinité, de masculinisme et de misogynie. On peut y croiser toute une ribambelle d’influenceurs, des pick-up artists qui échangent des conseils en séduction, et autres provocateurs comme Jordan Peterson, mais aussi des misogynes et racistes assumés tels que l'Anglo-Américain Andrew Tate. La manosphère est obsédée par l’idéologie de la “pilule rouge”, en référence à cette scène de Matrix au cours de laquelle Neo choisit de prendre une gélule rouge plutôt qu’une gélule bleue et se met à voir le monde tel qu’il est vraiment. “Avaler la pilule rouge” peut désigner n’importe quelle prise de conscience. En l’occurrence, la formule s’inscrit dans une conception de la société selon laquelle les hommes sont menacés par une prise de pouvoir des féministes, qui les empêche de trouver des partenaires sexuelles. Pendant ce temps, les femmes, toujours selon cette logique tordue, peuvent choisir leurs proies à leur guise. 

Plus dangereuse encore que la pilule rouge est la vision du monde dite de la “pilule noire”. Les tenants de cette théorie croient que toutes les dimensions de l’existence reposent sur notre apparence physique, et sur le capital génétique dont nous avons hérité. Selon cette forme d’essentialisme biologique, les relations humaines sont avant tout une transaction primitive. Tandis que les défenseurs de la pilule rouge pensent pouvoir attirer une femme en s’adressant à leur supposé désir subconscient pour un les mâles “alphas” — notamment par l’argent ou le jeu —, les défenseurs de la pilule noire sont persuadés que ceux qui ne parviennent pas à un certain seuil d’attractivité n’ont aucune chance. 

“Et je suis parvenu à la conclusion que plus on est beau — ce qui est un critère assez large — plus on a de chances d'avoir du succès dans la vie”, nous dit Ali, qui s'est fait opérer de la mâchoire à Rome. 

Comme on peut s’y attendre avec un forum bercé par de telles idées, looksmax.org héberge des pages imbibées d’un vitriol aussi sexiste que raciste, mais aussi parsemé d’astuces en matière de soins du visage et de conseils avisés pour un entretien optimal de la flore intestinale — bien que le site précise que rien ne remplace une consultation médicale. Ali ne se sent pas de proximité avec les incels, ces “célibataires involontaires”, qu’il juge désespérants ; “des esprits sincèrement troublés”, résume-t-il. Mais il trouve cette réflexion sur le “lookisme” — soit les préjugés portant sur l’apparence physique — plutôt convaincante. Il se met à contribuer à ces réseaux, offrant son aide pour composer des guides et proposer des conseils. Travailler sur lui-même le rend optimiste. Étrangement, cette démarche lui donne confiance en lui. “C’est une communauté constituée de gens qui s’entraident et essaient de devenir plus beaux”, explique-t-il. 

Le forum devient un laboratoire, grâce auquel Ali peut affiner ses propres idées. Il étudie les multiples images de modèles masculins qui y circulent, afin d’identifier leurs dénominateurs physiques communs. Il remarque que ces hommes partagent “certaines formes, certaines structures faciales… Ça permet de compiler une base de données mentale.” Ali aime prendre soin de lui : il va à la gym, il n’est pas en surpoids, il suit une routine pour avoir une belle peau. Mais cette base de données mentale met en lumière ce qui, selon lui, constitue ses plus gros défauts, confirmés sans ambage par d’autres utilisateurs lorsqu’il poste une photo de lui sur le forum. Son profil ? Insatisfaisant. Sa mâchoire ? Pas assez définie. Son menton ? Trop rentré.

Avec le temps, Ali se met à considérer que l’apparence d’un homme ne joue pas seulement sur sa vie amoureuse. Elle est aussi un facteur important dans bien d’autres dimensions de l’existence. “En général, nous visons tous le succès dans la vie”, dit-il. “Et je suis parvenu à la conclusion que plus on est beau — ce qui est un critère assez large — plus on a de chances d’y arriver.” Il lui semble que tout, de sa vie amoureuse à sa carrière, pourrait bénéficier d’un ajustement de son visage. Ces “quelques millimètres osseux”, ainsi que geignent souvent les incels, qui empêchent d’être désirable. Alors, Ali planifie l’opération, et prend ses billets d’avion. 

Matthew Shave © Fournis par GQ Matthew Shave

Henry Cavill. George Clooney. Robert Pattinson. (N’importe quel type qui a joué Batman, en fait.) Prenez tous les films hollywoodiens, feuilletez n’importe quel magazine de mode, regardez cinq minutes de téléréalité et vous vous rendrez compte que les visages masculins qu’on y croise sont moulés selon une même forme anguleuse — à la base du faciès, un bloc solide se montre prêt à encaisser les coups, tel un mur de briques mal rasé. Les choses n’ont pas toujours été ainsi. (Jetez un œil à des fresques classiques, par exemple.) Il ne s’agit pas non plus d’un idéal mondialement uniforme : en Chine et en Corée, les hommes ont recours à la chirurgie pour adoucir leurs mâchoires, et ils ne sentent pas moins masculins pour autant. Selon le chirurgien facial Hermann Sailer, ce n’est qu’à partir des années 1930-1940 que cet idéal de “l’anteface” — un visage aux traits saillants — s’est imposé en Occident. Largement popularisée par Hollywood et les médias, cette mâchoire parfaite – une machine à sourire tout en muscles avec une fossette sur le menton – est devenue un stéréotype, synonyme de masculinité dominante. 

Il y a encore une centaine d’années, les cartes n’étaient pas entre nos mains : la mâchoire, ou l’absence de mâchoire, était à la merci de la génétique. À la fin du vingtième siècle apparaît la chirurgie plastique commerciale. Pour le meilleur ou pour le pire, quiconque a assez d’argent peut s’acheter le visage de ses rêves. Avec les avancées technologiques, le prix des opérations baisse, et, grâce à des procédures plus légères telles que les injections et le Botox, la “mâchoire super-héros” ou encore la “GI Jaw” (“mâchoire de GI”) devient accessible à tous. Traditionnellement, la chirurgie de la mâchoire est une mesure corrective, qu’on préconise pour remédier à des problèmes médicaux, ou qui s’inscrit dans une transition de genre. Mais depuis la pandémie, avec “l’effet Zoom” qui induit de passer des heures à scruter ses propres défauts dans le miroir, de plus en plus d’hommes y ont recours pour des motifs cosmétiques, et on note une très forte augmentation des demandes de consultations. (Selon The Aesthetics Society, l’effet Zoom explique les 55% d’augmentation dans la proportion d’hommes et de femmes qui ont eu recours à une procédure pour modifier leur visage en 2021). 

“Les soins masculinisants” sont maintenant présentés par les cliniques comme un soin à s’octroyer pour se faire du bien sur la pause déjeuner. Sur TikTok, des clips pullulent qui montrent des mâchoires en pleine restructuration, et mettent en scène des “relookings de modèles masculins”.

Dans les colonnes de Newsweek l’an dernier, le chirurgien plastique Richard Westreich expliquait que les implants au niveau du menton représentent la deuxième procédure la plus commune chez les hommes, le plus souvent conjuguée à une “submentoplastie, un resserrement de la mâchoire qui permet d’en affiner la définition.” Le résultat : un bain de jouvence et un amincissement notable. C’est précisément cet effet qui pousse certains hommes à se tourner vers la chirurgie par injection. “Les soins masculinisants” sont maintenant présentés par les cliniques comme un soin à s’octroyer pour se faire du bien sur la pause déjeuner. Sur TikTok, des clips pullulent qui montrent des mâchoires en pleine restructuration, et mettent en scène des “relookings de modèles masculins”. Sur Youtube et Instagram, des vidéos inculquent la “règle des tiers du visage” et professent une science du profil idéal, célébrant le ratio d’or selon lequel le visage parfait devrait être 1.618 fois plus long que large. Des startups telles que Qoves Studio se sont mises à proposer des “évaluations esthétiques” à l’aide de l’I.A. Sur Reddit, des hommes partagent leurs photos avant/après pour avoir des retours. En témoigne ce post publié sur r/JawSurgery en juillet 2022 : “Je ne sais pas à quoi c’est dû, ni où les gens vont chercher qu’ils ont besoin de se faire modifier la mâchoire, mais ça va beaucoup trop loin.”

Au sein de la communauté looksmaxing, cette obsession pour l’esthétique mandibulaire génère une spirale sans fond. Ali m’envoie un lien vers une vidéo, “Comment évaluer l’attractivité des yeux — partie 3 (analyse pilule noire)”, qui disserte sur l’importance de l’angle entre le canthus externe (l’endroit où se rejoignent paupières supérieure et inférieure) et le canthus médial. L’un des premiers commentaires est aussi long qu’un essai, au fil duquel son auteur scande des arguments du type “jaw is law” (“la mâchoire fait la loi”), et défend l’idée qu’une mâchoire et un menton faibles forment un “combo mortel”. (Le gonion — le coin de la mâchoire qui se courbe pour rejoindre l’oreille — aurait un angle idéal de 112-118 degrés, au cas où vous vous poseriez la question.) Dans d’autres threads, des célébrités telles que Brad Pitt, David Gandy ou Jeremy Meeks (un mannequin autrefois connu sous le surnom de “criminel sexy”) sont vénérés pour la proéminence de leur masséters (muscles de la mâchoire) et pour les contours du tiers inférieur de leurs visages. Les incels nourrissent une obsession pour la structure osseuse de type “Chad”, soit des mâles alpha avec des mâchoires larges et anguleuses, et des “yeux de prédateur”. 

Nombre d’entre eux passent leur temps à faire du “mewing” — une série d’exercices pour la langue scientifiquement discutable, développée par un orthodontiste britannique du nom de Jonathan Mew, censée renforcer la ligne de la mâchoire. Sur TikTok, les vidéos avec le hashtag #mewing dépassent les deux milliards de vues. Des entreprises telles que Jawzrsize capitalisent sur cette tendance. On note, par exemple, la commercialisation d’une balle en silicone à mâcher jusqu’à devenir un beau mâle dominant. Ce type de contenu peut avoir des effets très forts, en particulier sur des hommes jeunes et peu sûrs d’eux. Des hommes comme Ted (son prénom a également été modifié), qui a toujours pensé que son visage était un peu “atypique”. Pas de quoi s’alerter, simplement une idée qui lui trottait dans la tête, de temps à autre. La première fois qu’on se parle, là encore par appel vidéo, il apparaît furtivement à l’écran — je note une coupe de cheveux correcte et des lunettes qui lui donnent un charme de geek chérubin — puis trouve une excuse pour éteindre sa caméra. 

Ted a grandi dans une banlieue du Midwest américain, puis s’est installé dans la Silicon Valley pour étudier à Stanford. Pour se décrire, il emploie les mots “excentrique et entrepreneur”. Du moins, c’est ce qu’il a indiqué en profil sur les applications de rencontres. Pour ses amis, c’est un “bro de la tech en plein déni.” Ted, 27 ans, se met à se renseigner sur la chirurgie de la mâchoire pour remédier à ses problèmes d’apnée du sommeil, et s’enthousiasme pour l’amélioration esthétique que ça pourrait lui apporter. Mais tandis qu’il écume Internet en quête d’informations, il tombe dans “la spirale macabre et infinie de l’esthétique.” Il poste une photo de son visage sur un forum, “juste histoire de demander, ‘eh, mon visage serait pas un peu enfoncé ?’” et les critiques fusent. “Ça ne m’a pas gâché la journée, ni rien, mais clairement, ça a piqué un peu pendant une semaine”, confie-t-il. “Et j’imagine qu’un gamin de 15 ans à qui il arrive la même chose peut se sentir vraiment blessé.” Ted subit son opération en mai 2021, auprès de Derek Steinbacher, un chirurgien maxillo-facial très réputé, basé dans le Connecticut. L’enthousiasme du jeune homme est intact. 

Quand il découvre son nouveau visage dans le miroir en se rendant aux toilettes après son réveil, il croit voir un “alien” à la place de son reflet. Puis il se rend compte qu’il pisse du sang un peu partout, en raison du cathéter qu’on lui a inséré pendant l’opération. Et s'aperçoit aussi qu’il souffre le martyre puisque, accessoirement, on lui a ouvert le visage à peine 5 heures plus tôt. De son propre aveu, Ted a fait de “la chirurgie de la mâchoire [son] sujet de prédilection dans les soirées”. S’il attend encore le changement significatif qu’elle devait apporter à sa vie — la chirurgie n’a pas, jusqu’ici, vraiment affecté sa carrière ni ses relations — il se sent nettement plus confiant. Il remarque une différence subtile dans la manière dont les autres le traitent. Premièrement, ses amis l’appellent désormais “Chad”. “Aucun doute : les incels avaient raison”, dit-il. 

Et puis il y a Miguel (là encore, pas son vrai prénom). La trentaine, il vit en Espagne et travaille dans le tourisme. Miguel découvre la communauté looksmaxing en 2020, et entre les “trolls et autres ados puceaux”, il est fasciné par le niveau technique des discussions sur les questions esthétiques : ratios faciaux, chirurgies, anatomie, la façon que la mâchoire a de “faire ou défaire un visage”. Comme Ted, Miguel a toujours pensé que quelque chose “clochait” dans son apparence physique, sans parvenir à déterminer précisément ce que c’était. “Malheureusement, identifier mes défauts m’a rendu plus conscient de leur présence”, dit-il. “Je me suis aussi renseigné sur la chirurgie de la mâchoire, dont je ne connaissais pas l’existence jusqu’alors. J’ai su tout de suite que je devais y avoir recours.” Il existe un certain nombre de spécialistes en chirurgie maxillo-faciale à travers le monde, réputés pour leur maîtrise de la modification de la mâchoire. Le professeur Hermann Sailer, basé en Suisse ; le professeur Mirco Raffaini, en Italie ; le docteur Paul Coceancig, en Australie. Les noms reviennent sur les forums et dans les bouches des hommes que j’interroge. Miguel savait qu’il voulait se tourner vers l’un des meilleurs. Aussi, il a pris rendez-vous pour une consultation avec le docteur Federico Hernández Alfaro, à l’Institut Maxillo-facial de Barcelone. 

"The Witcher: Season 2" World Premiere - Arrivals Mike Marsland © Fournis par GQ "The Witcher: Season 2" World Premiere - Arrivals Mike Marsland

Le Centre Médical Teknon est un palais hospitalier privé dans l’un des quartiers les plus prisés de Barcelone, encadré par un dédale de haies et de palmiers qui mènent à l’entrée principale. Le bureau du docteur Federico Hernández Alfaro, directeur de l’Institut Maxillo-facial, est au dernier étage. C’est le plus beau de l’hôpital, me dit-il, tandis que je pénètre dans cette pièce vitrifiée qui fait l’angle du bâtiment, avec une vue imprenable au-dessus des toits, et d’où, entre des arbres et des tuiles baignées de soleil, on aperçoit la Méditerranée. Sur le mur du fond, une bibliothèque décorée d’os de mâchoire au milieu de crânes de céramique enduits de couleurs vives, ramenés de ses voyages réguliers au Mexique. Si les chirurgiens plastiques forment un groupe à part, Federico Hernández Alfaro pourrait en être l’archétype : peau lumineuse, dents immaculées, Rolex étincelante au poignet. Il est charmant, charismatique, athlétique — le genre de type que tout homme a envie d’être. Sur son temps libre, il aime faire du kitesurf, une habitude prise après son divorce (“D’autres préfèrent la thérapie”, dit-il). Certains jours, il file en scooter le long de la côte, le visage balayé par une légère brise. 

Federico a effectué environ 5000 opérations au cours de sa carrière. Avant, dit-il, il s’agissait surtout de trouver un remède à des problèmes graves de mastication, ou encore de répondre à des troubles de la respiration, tels que l’apnée du sommeil. Mais peu à peu, les requêtes de ses patients ont évolué. “Je sais que vous pouvez résoudre mes problèmes de mastication, mais est-ce que vous pouvez améliorer mon visage ?”, s’est-on mis à lui demander. Avec les années, Federico a développé sa propre approche “orthofaciale”. (Il est même à l’origine d’un point de référence,  la “ligne Barcelone”, qui permet d’établir l’avancement optimal de la mandibule.) Selon lui, les changements que les gens recherchent avec le Botox, les injections, les implants et les liftings peuvent tous être atteints grâce à une ingénierie astucieuse opérée sur le crâne. Repositionner la mâchoire, explique-t-il, permet de rendre le visage plus “harmonieux”. La faire glisser vers l’avant peut contrebalancer un nez imposant ; cela peut aussi révéler les lèvres, ou encore éclipser un double menton. 

Federico Hernández Alfaro conduit environ 200 opérations orthofaciales par an. Son nombre de patients a doublé au cours des cinq dernières années, en grande partie sous l’effet d’un afflux de patients internationaux. Auparavant, sa clientèle était en majorité composée de femmes ; à présent, elle est à 50% composée d’hommes. “Les hommes sont plus concernés qu’avant par leur peau et leur garde-robe. Cet intérêt nouveau s’observe aussi dans l’esthétique faciale”, dit-il. La plupart de ses patients masculins sont des avocats, des ingénieurs, des docteurs. Mais les employés de la tech représentent une part substantielle de sa clientèle internationale. “Ils passent leur temps devant un ordinateur et peuvent très facilement rechercher des ressources en ligne”, explique-t-il. “Ils arrivent en disant, ‘Yo doc, dont j’aurais besoin d’un avancement maxillo-mandibulaire avec une rotation inversée et une génioplastie sur six ou sept millimètre…’ Ils sont capables d’ausculter leurs visages à un niveau de précision qui parfois me terrifie.”

La pandémie a exacerbé ce phénomène. Federico se souvient d’un patient qui ne pensait pas avoir de problème, jusqu’à ce qu’il passe des heures devant son ordinateur à fixer sa mandibule fine et son double menton. “De plus en plus de gens viennent me voir en me disant qu’ils ne peuvent pas mettre de photos d’eux sur Instagram à moins de les retoucher”, dit-il. Jusque récemment, la plupart des gens n’envisageaient pas de chirurgie lourde sans motif médical. Les patients passaient des heures au bloc, avaient parfois besoin d’une transfusion sanguine et il leur fallait des semaines — ou des mois — pour se remettre de l’intervention. Mais Federico peut repositionner des mâchoires inférieures et supérieures en 90 minutes, et les patients sont généralement renvoyés chez eux le lendemain matin. Fier de son travail, il m’invite à assister à une opération. 

© Fournis par GQ

La journée de Federico commence par une douche froide et une séance de gym. Aujourd’hui ne déroge pas à la règle. ll arrive au bloc l’esprit clair, place son téléphone et sa Rolex sur un bureau, enfile une lampe frontale et s’incline pour un court moment de méditation. Un jeune homme est étendu sur un lit. L’anesthésiste place un masque sur son visage. Une photo de lui tout sourire est affichée sur un écran, aux côtés de scanners de son crâne en 3D. En l’occurrence, le patient est ici pour se faire avancer la mâchoire. “Pour des raisons esthétiques, il a aussi besoin d’une rhinoplastie”, précise Federico, “mais il veut d’abord voir les résultats de cette intervention”. Son équipe s’affaire, les uns et les autres se relaient pour administrer de la lidocaïne et faire des injections d’adrénaline. On fait rouler vers lui une table présentant un étalage terrifiant d’instruments de toutes sortes. “Vous avez petit-déjeuné ?” demande Federico, qui se penche pour saisir le scalpel à ultrason. 

La chirurgie est faite à travers la bouche. D’abord, on enlève les dents de sagesse. Un bourdonnement indique que la mandibule est en train d’être cisaillée. Federico demande à ce qu’on augmente le volume de la musique – un mélange de Britpop et d'indie américain – puis prend un marteau et un burin. “Je me vois comme un charpentier en plus sophistiqué”, dit-il. Un craquement, semblable à celui d’une carapace de homard, et la partie frontale de la mandibule, la mâchoire inférieure, se trouve totalement détachée du reste. Federico la remet en place. À l’aide d’une attelle, il l’ajuste à la mâchoire supérieure, et la fixe avec des plaques de titanes conçues pour pouvoir rester dans le corps. Il emploie le même procédé pour les maxillaires et la mâchoire supérieure, qu’il détache en faisant une petite incision dans la gencive, l’une de ses techniques “peu invasives” qui permettent une cicatrisation plus rapide. Whirr. Tap, tap. Crack. En fond sonore, “Shark Smile”, de Big Thief. La mâchoire supérieure est à son tour repositionnée avec une attelle, et fixée. 

Au son de “Common People” de Pulp, Federico affine un morceau d’os artificiel pour combler le trou dans la mâchoire, et c’est fini. Il jette un œil à l’horloge. Une heure trente-deux minutes. “Tu vois comme son nez paraît plus petit maintenant ?” me dit-il, satisfait de son travail. “Et les lèvres ressortent.” On enveloppe le visage du patient dans un masque d’eau froide, et il est emmené en salle de réveil. Dans 30 minutes environ, ce sera au tour du prochain. Federico a toujours faim après une intervention (il explique que l’effort de concentration lui fait perdre du poids), donc on se dirige à côté, dans un club de remise en forme privé, pour déjeuner. Je demande à Federico s’il a déjà eu affaire à la communauté looksmaxing, ou aux incels. “Ça me dit quelque chose”, dit-il. Certaines personnes arrivent avec vingt photos de célébrités, et exigent de leur ressembler au millimètre. D’autres veulent changer de couleur de peau. Ou attendent des changements radicaux totalement impossibles à atteindre. 

L’assistante marketing de Federico, Maya Martinez, explique qu’ils sont attentifs au moindre signe inquiétant, et qu’ils redirigent ces personnes vers des psychologues. Mais il reste très difficile pour un chirurgien cosmétique de détecter des problèmes de santé mentale, ou de reconnaître des gens qui souffrent de trouble dysmorphique du corps. L’Institut refuserait environ 15 % de patients pour ces raisons. Qu’en est-il de ceux qui croient que la chirurgie va rendre leur vie meilleure ? “Il arrive que certains patients, dotés d’un visage plus “normal” ou séduisant, se débrouillent mieux dans la vie”, concède Federico. “Mais si c’est là leur objectif principal, on ne peut pas leur promettre qu’ils l’atteindront. Je peux replacer des os dans une position optimale pour maximiser l’esthétique d’un visage, mais il y a des éléments qu’on ne peut pas modifier. Et rien, à l’intérieur du cerveau, ne peut être changé par une intervention de chirurgie.” Il se sculpte avec élégance un morceau de poulet et le porte à sa bouche. “On voit souvent des patients qui attendent trop de la chirurgie”, dit-il. “Mais je ne peux pas changer une personnalité.”

Face à ce reflet au visage enflé, enveloppé de pansements, Ali sent l’angoisse monter. “Je venais de parier très gros”, me dit-il. “Je me suis mis à cogiter, en mode ‘Qu’est-ce qui m’a pris ? Je me suis brisé le visage pour être plus beau, et je ne suis pas plus beau’”. 

Six heures après avoir signé des formulaires, Ali se réveille dans un hôpital de Rome. Il reprend conscience et se sent étonnamment en forme, même s’il est encore incapable de marcher, d’aller aux toilettes, ou de manger. Il m’envoie quelques photos de lui au sortir du bloc, son visage enflé couvert de bandages, d’où s’échappe une touffe de cheveux en désordre, du sang séché autour du nez. Il m’envoie aussi quelques photos de lui “avant”, des portraits qu’il utilisait sur les applications de rencontre. Il pose dans un parc, l’air soigné dans une chemise à motifs. Il se dégage du cliché une douceur et une impression d’honnêteté, même si Ali semble un peu mal dans sa peau. Des éléments qui dressent de lui un portrait vulnérable. Son premier jour de “l’après”, Ali le passe à faire des appels vidéo avec sa famille et ses amis, puis il prend quelques jours de repos dans un Airbnb. Là, me dit-il, il se regarde longuement dans le miroir. Face à ce reflet au visage enflé, enveloppé de pansements, Ali sent l’angoisse monter. “Je venais de parier très gros”, me dit-il. “Je me suis mis à cogiter, en mode ‘Qu’est-ce qui m’a pris ? Je me suis brisé le visage pour être plus beau, et je ne suis pas plus beau’”. Tout ce qu’il peut faire, à ce stade, c’est siroter des aliments liquides en attendant que sa face dégonfle.

Plus que jamais, la recherche de l’amour est un marché juteux. Sur les applications de rencontre, de Tinder à Feeld, et de plus en plus sur les réseaux sociaux, on se perçoit comme des marques, on rivalise pour attirer à soi l’investissement d’acquéreurs potentiels. “Le choix est presque infini”, explique Ruth Holliday, professeure de genre et culture à l’Université de Leeds. “À partir de là, tout le monde, au même moment, s’efforce de maximiser ses possibilités.” “Et il se trouve que certains hommes sont tout simplement exclus de ce processus”, poursuit-elle. “Ils restent sur le carreau parce qu’ils n’ont pas un travail attrayant, ou un revenu fixe. Ils ne sont pas particulièrement beaux non plus. Ils finissent par se retrancher dans leur coin, deviennent des incels et se mettent à nourrir une colère immense contre les femmes.” Les idéologies de la pilule noire et de la pilule rouge cultivent ce ressentiment, l’exacerbent, et poussent les gens au désespoir. Pour ceux qui s’identifient comme des “incels” (à l’origine, le terme signifie “célibataire involontaire), la pilule noire constitue une vérité nihiliste qu’il faut avaler. Cela peut favoriser le développement d’idées suicidaires, le déclenchement d’actes de violence, voire de terreur. En 2014, un homme armé a tué six étudiants à l’Université de Californie avant de se donner la mort, le tout après s’être exprimé en ligne au sujet de son incapacité à avoir une relation amoureuse, et avoir appelé à la violence contre les femmes. Cet appel a retenti auprès d’un autre assaillant, qui a tué 10 personnes à Toronto avec un van en 2018. En 2021, un homme se réclamant de l’idéologie incel a tué cinq personnes à Plymouth. Cette obsession pour une certaine vision de la masculinité, qui pousse certains hommes à se faire opérer de la mâchoire, conduit d’autres hommes à la haine.

Les communautés de la manosphère s’enracinent dans la solitude, la vulnérabilité et un sentiment de perte de pouvoir. C’est cette même anxiété qui pousse un nombre record d’hommes à payer de grosses sommes pour avoir accès à des implants de cheveux, pour se faire injecter du Botox, ou même pour subir des opérations d’extension de jambes. Soit de répondre à un désir d’avoir l’air jeune, en forme, compétitif. Les préjugés associés à l’apparence physique ne sont pas une vue de l’esprit (bien que s’exprimant de manière bien plus accrue à travers le biais du racisme, ou à l’encontre de personnes souffrant de handicaps ou de malformations). Mais même Daniel Hamermesh, un économiste qui a quantifié ces effets dans son livre Beauty Pays, parvient à la conclusion que les investissements alloués à la modification de cette apparence, que ce soit par la chirurgie, la mode ou les cosmétiques, présentent généralement des résultats limités. “Les défauts physiques ne sont pas un désavantage insurmontable, ils peuvent être contrebalancés par nos actions, leur force ne peut suffire à balayer celle de notre esprit”, écrit-il. 

Comme le dit Kjerstin Gruys, autrice de Mirror, Mirror Off the Wall, si les personnes qui se trouvent aux extrémités du spectre de la beauté peuvent avoir des expériences de vie radicalement opposées, la plupart d’entre nous (malheureusement… ou heureusement) nous situons plutôt dans la moyenne. “J’espère que tu es conscient du dilemme moral que ça implique”, m’écrit Ali dans un email truffé de liens vers des vidéos et des articles, tels que “L’apparence physique affecte indéniablement notre vie, mais jusqu’à quel point ? Cela vaut-il la peine d’en changer ? Et dans quelles circonstances vaut-il mieux passer son chemin ?” Ces hommes sont aussi de plus en plus sujets à des anxiétés qui ont longtemps été l’apanage des femmes, signe que nos conceptions de la masculinité sont en train d’évoluer. Bien que la manosphère vend la chirurgie de la mâchoire comme une opportunité de reconquérir une virilité “alpha” menacée, il existe autant de raisons qui motivent ce choix que d’hommes qui y ont recours. 

Pour Sam Batterbury, un Canadien de 23 ans, se faire opérer du menton et du nez a été l’occasion de s’affirmer. “J’aime vivre dans l’excès, et je suppose que, dans notre culture, se faire insérer un peu de silicone dans le menton est une marque d’excès”, dit-il. Sam est bisexuel. Ses icônes — de Prince à Bowie — jouent avec les normes de la masculinité, et sont bien loin des goûts de Andrew Tate (dont la mâchoire, ainsi que l’ont remarqué de nombreux looksmaxers, est en retrait). De plus, me dit-il, “On doit pouvoir s’autoriser à se sentir mieux sans autre motif que de vouloir se sentir mieux.” Michéll Miodek, un Suédois de 35 ans, a eu recours à la chirurgie de la mâchoire pour apaiser des angoisses liées à son apparence physique qui devenaient paralysantes, menaçant sa santé mentale de façon durable. Il se souvient avoir subi des moqueries dans la rue, et souffrait d’anxiété à la seule idée de parler à quelqu’un dans le bus, parce qu’on pouvait le voir de profil. Il a décidé de passer le pas après avoir vu une publicité pour la clinique de Federico sur Instagram. Il portait encore des bagues lorsqu’il est allé à son premier rencard après l’opération, mais il se sentait assez sûr de lui pour raconter ce qu’il avait entrepris. La flamme a pris. Il est à présent marié et sa femme attend leur premier enfant.

Quand j’évoque looksmaxing auprès de Michéll, il me fixe, bouche bée. Il n’a jamais entendu parler de ce site. Mais la plupart des hommes avec lesquels je m’entretiens se sont trouvés irrésistiblement attirés par le point de gravitation autour duquel s’organisent ces communautés qui transpirent la misogynie. Les femmes (qui demeurent de très loin les premières clientes en matière de procédures cosmétiques) sont en proie constante à la dysmorphie du corps et à la dépréciation de soi, mais il est sidérant de voir que tant d’hommes cherchent du réconfort auprès de communautés qui manquent cruellement d’empathie pour les mêmes personnes qu’elles rêvent de séduire. Pas simple de savoir où Ali se place en matière de dynamiques de genre, lui qui a passé tant de temps dans ces espaces de discussion. Je lui demande si son expérience lui a permis de se sentir plus en empathie avec les femmes, et de prendre conscience des pressions dont elles font l’objet. “Je peux comprendre les épreuves qu’elles traversent”, confie-t-il. “J’ai énormément de compassion pour les gens qui ne sont pas beaux.”

Matthew Shave © Fournis par GQ Matthew Shave

Deux semaines plus tard, je prends des nouvelles de Ali. Il est chez sa mère, sa convalescence se passe bien et il se sent mieux, plus en confiance, avec son nouveau visage. Il porte un hoodie gris et s’excuse d’arborer une barbe, il est encore trop incommodé par son menton pour se raser. Il est encore un peu enflé, mais le changement est manifeste : les contours du bas de son visage sont nettement plus prononcés. Je lui demande s’il est satisfait du résultat. “Je serais bien allé plus loin”, dit-il en se caressant la barbe. “Mon chirurgien était plus modéré.” Mais il n’a aucune envie de répéter l’expérience, même si cela permettrait d’optimiser le résultat. Il avoue avoir sous-estimé l’impact psychologique de la chirurgie. Ces dernières semaines ont été éprouvantes. Je lui demande si les forums ont leur part de responsabilité dans ce processus, en ce qu’ils normalisent des interventions médicales lourdes. Il fait oui de la tête. “Les gens parlent de chirurgie avec beaucoup trop de légèreté”, concède-t-il. “On entend souvent, ‘fais-le, tu seras mieux après’”. Cette désinvolture peut masquer des problèmes plus profonds. 

Ali a été contacté récemment par un jeune homme qui le questionnait sur son expérience de la chirurgie. Il lui confiait être inquiet quant au coût de l’intervention, mais se disait si déprimé que s’il ne se faisait pas opérer au plus vite, il allait se suicider. “Que peut-on répondre à ça ?” Mais Ali est optimiste. Deux autres semaines s’écoulent et sa santé mentale s’améliore. Il a l’impression que les gens se montrent plus gentils à son égard, des inconnus lui font des compliments, chose qui ne lui était jamais arrivée auparavant. Il reconnaît qu’on le remarque davantage. Dernièrement, une femme plus âgée que lui ne le quittait pas des yeux à la salle de gym. Ça l’a effrayé. “D’une certaine manière, je me suis senti sexualisé.”

Ces temps-ci, il passe moins de temps sur les forums de looksmaxing. “Je n’adhère pas à la moitié des choses qui sont dites sur ce forum”, déclare-t-il. “J’écoutais un podcast dans lequel le journaliste soulevait un point intéressant, quant au fait que sur ces forums, on est amené à se comporter comme un voleur – on dérobe tout un tas d’informations puis on quitte la communauté pour ne pas être contaminé par sa toxicité… il faut s’introduire, extraire le peu de choses qui nous seront utiles, et déguerpir au plus vite.” Il a pour projet de se lancer comme consultant auprès des hommes qui veulent améliorer leur apparence physique, afin de partager avec d’autres tout ce qu’il a appris. Ali est désormais accompagné par un coach de vie. Ainsi que par un expert en séduction. Il a montré à ce dernier ses anciennes photos de profil. L’expert n’a rien trouvé à redire sur ces images, ce qui a un peu rassuré Ali, mais l’a laissé songeur quant à ses échecs à “matcher” avec des filles.

Il a hâte de nouer de nouvelles relations dans la vraie vie. “Je m’efforce de reprendre des activités, j’ai passé beaucoup trop de temps derrière un écran”, dit-il. “Je veux me réinventer.” Dernièrement, il a participé à un atelier théâtre. “On devait relier nos émotions à notre façon de nous mouvoir dans l’espace. Genre, si tu es dominant tu marches d’une certaine façon, tu parles d’une certaine façon. On a aussi exploré les éléments… la terre, l’eau, le feu. Et le pardon.” Il a dû manquer quelques cours au moment de l’opération, mais il a envie d’y retourner. “Je crois que j’ai fait tout ce que je pouvais pour améliorer mon apparence”, dit-il. “À présent, il ne s’agit plus que de ma personnalité.”

Initialement publié sur British GQ 

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