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Coupe du monde 2022 : les Iraniens ne chantent pas l’hymne, les Anglais un genou à terre

Liberation 21/11/2022 Ludovic Séré, Julien Lecot, Léna Coulon

Certains supporteurs les avaient enjoints à boycotter la Coupe du monde au Qatar. Mais les joueurs iraniens ont bien foulé la pelouse du stade international de Khalifa de Doha, ce lundi à 14 heures, pour affronter l’Angleterre. Un match hautement symbolique alors qu’à un gros millier de kilomètres de là, un soulèvement populaire fait vaciller la République islamique. Le genre de rencontre dont chacun des gestes est scruté, au-delà de la performance sportive, les Three Lions ayant largement dominé leurs rivaux en l’emportant 6 à 2.

Avant même le coup d’envoi, les joueurs iraniens se sont signalés en ne chantant pas l’hymne de leur pays. Durant la semaine, le milieu de terrain Alireza Jahanbakhsh avait expliqué que les joueurs décideraient «collectivement» de chanter ou non l’hymne national en signe de soutien aux victimes des manifestations durement réprimées dans leur pays. Juste après, les joueurs anglais ont posé le genou à terre, comme ils l’avaient annoncé, pour dénoncer les «inégalités» au sens large. Un geste qui a été accepté par la Fifa, contrairement au brassard arc-en-ciel «One Love», abandonné ce lundi matin par sept nations européennes sous la menace de sanctions sportives par la fédération internationale. A noter : aucun buteur anglais ou iranien n’a effectué un geste particulier après avoir marqué.

Dans les tribunes au stade Khalifa de Doha, ce lundi, avant le match Angleterre-Iran. © Fournis par Liberation Dans les tribunes au stade Khalifa de Doha, ce lundi, avant le match Angleterre-Iran.

Dans les tribunes, quelques pancartes ont fleuri, appelant à respecter les droits des femmes en Iran. Déjà avant le match, des supporteurs iraniens criaient spontanément le nom de Mahsa Amini, morte le 16 septembre alors qu’elle avait été arrêtée par la police des mœurs. Selon le New York Times, des fans avec des drapeaux pré république islamique ont été interdits d’entrée dans le stade.

Depuis son arrivée au Qatar, la sélection iranienne fait preuve de discrétion sur le terrain politique. Interrogés à ce sujet en conférence de presse d’avant-match, le capitaine et le gardien iraniens ont botté en touche à plusieurs reprises. «Comme vous le savez, notre devoir, c’est de jouer au foot. […] Je me demande d’ailleurs, si l’Iran n’était pas dans votre groupe, si vous auriez commencé par cette question», déclarait Alireza Jahanbakhsh, laissant entendre que les Anglais, adversaires sportifs du jour, tentaient de jouer à un «jeu de déstabilisation» avec lui et ses coéquipiers. Même ton chez Alireza Beiranvand, gardien de la sélection : «Comme l’a dit le capitaine, on est tous heureux d’être ici, dans l’un des plus grands tournois au monde. On est totalement concentrés sur la performance pour ramener de la joie à notre population.»

Les sportifs mobilisés en Iran

Une attitude qui tranche avec l’engagement des sportifs iraniens depuis deux mois. Après la mort de Mahsa Amini, la jeunesse du pays est descendue dans la rue pour manifester contre la république théocratique installée depuis 1979. Le mouvement, réprimé dans le sang par le régime, qui a tué plus de 300 personnes en huit semaines, a été soutenu à plusieurs reprises par nombre des membres de la «Team Melli» («l’équipe nationale», en persan).

Vêtus de grandes parkas noires, les joueurs iraniens avaient ainsi volontairement caché les couleurs de leur pays lors d’un match amical disputé en Autriche contre le Sénégal fin septembre. La rencontre s’était d’ailleurs jouée à huis clos, à la demande de la fédération iranienne qui craignait des «incidents». Vainqueurs de la Supercoupe d’Iran, les joueurs du club d’Esteghlal se sont refusés à toute célébration, accueillant le trophée visage fermé et bras croisés. «Nous sommes solidaires de toutes les familles en Iran qui vivent le deuil», expliquait après la cérémonie l’un des défenseurs du club. Quelques jours plus tard, l’équipe iranienne de beach soccer faisait de même après s’être imposée face au Brésil en finale de la Coupe intercontinentale. L’un des buteurs de la rencontre avait même mimé un coupage de cheveux après avoir marqué. Autant de gestes galvanisant une jeunesse qui idolâtre les footballeurs, dans un pays où près d’un habitant sur deux a moins de 30 ans.

Hors du football, au mois d’octobre, la sportive iranienne Elnaz Rekabi avait participé à Séoul à une compétition d’escalade avec seulement un bandana sur la tête, ce qui avait été interprété comme un geste de solidarité avec les manifestations en Iran. La République islamique impose en effet aux sportives iraniennes le port du voile même dans les compétitions à l’étranger. Si, à son retour en Iran, la sportive a dû annoncer que son hijab était tombé «par inadvertance», tout le monde a vu dans son geste un signe de protestation contre les lois strictes de la République islamique d’Iran.

Dimanche, ce sont des basketteuses qui ont fait parler d’elles après la publication d’une photo exposant une équipe locale d’adolescentes iraniennes bras dessus bras dessous et sans hijab. En publiant sur son compte personnel, la coach a d’abord revendiqué un acte féministe, dans la légende accompagnant le cliché sur Instagram : «Vous êtes précieuses et irremplaçables. Si on vous dit autre chose, ne le croyez pas. […] Lève-toi, garde la tête haute et montre leur ce que tu vaux ! Dis-leur que tu es forte et puissante, que tu es une femme éprise de liberté.» Avant que la coach ne fasse finalement marche arrière et supprime la publication tout en passant son compte Instagram en privé. Le club a quant à lui rédigé un démenti au sujet de l’aspect politique de la photo. Un rétropédalage qui rappelle la difficulté de s’engager publiquement en Iran.

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